L'idée est forte et simple: l'énergie solaire illuminent le Sahara est três abondante. Si l'on pouvait en r´cupérer une fraction, celle-ci couvirait une part notable des besoins en énergie des pays méditerranéens, main aussi de l'Europe. - Adel Brahem |
Oubliez les réacteurs nucléaires en Lybie : l'avenir de l'énergie dans les pays du sud de la Méditerranée n'est pas l'atome, mais le soleil. Un groupe d'ingénieurs allemands en a convaincu le gouvernement de Berlin et des partenaires du pourtour de la mer.
Leurs arguments progressent aussi à Bruxelles,
où deux parlementaires européens, Rebecca Harms et Anders
Wikjman, organisent un colloque le 28 novembre sur un des projets
technologiques les plus ambitieux de l'époque.
L'idée est forte et simple : l'énergie solaire illuminant le Sahara est très abondante. Si l'on pouvait en récupérer une fraction, celle-ci couvrirait une part notable des besoins en énergie des pays méditerranéens, mais aussi de l'Europe. Or les technologies solaires ont suffisamment progressé pour que cette perspective devienne réaliste.
Sur le papier, le raisonnement est imparable : Les déserts chauds couvrent environ 36 millions de km2 sur les 149 millions de km2 de terres émergées de la planète, explique le physicien Gerhard Knies, inspirateur du projet TREC (Trans-Mediterranean Revewable Energy Cooperation). L'énergie solaire frappant chaque année 1 km2 de désert est en moyenne de 2,2 térawattheures (TWh), soit 80 millions de TWh par an. Cela représente une quantité d'énergie si considérable que 1% de la surface des déserts suffirait pour produire l'électricité nécessaire à l'ensemble de l'humanité. Dès lors, il devrait être possible, en multipliant les centrales solaires dans le désert, d'alimenter les pays riverains. Voire les pays européens.
L'idée, dans l'air depuis longtemps, commence à se formaliser en 2002, lorsque Gerhard Knies, convaincu de la première heure, contacte la section allemande du Club de Rome. Une réunion d'experts a lieu début 2003 : le gouvernement, séduit, accepte de financer une étude approfondie. Celle-ci, menée par le Centre aéronautique et spatial allemand (DLR, l'équivalent du CNES français) et rédigée par l'ingénieur Franz Trieb, est publiée en 2005 et 2006. Elle conclut à la faisabilité du projet avec les technologies existantes.
Concrètement, quelles infrastructures cela impliquerait-il? La production d'énergie serait assurée par des centrales thermiques à concentration, dans lesquelles des miroirs font converger la lumière du soleil. La chaleur de celle-ci peut échauffer de la vapeur (employée pour faire tourner des turbines), mais elle peut aussi être stockée dans des réservoirs de sels fondus qui la restituent pendant la nuit. L'énergie résiduelle de la production d'électricité pourrait également servir, par le procédé dit de cogénération, à dessaler l'eau de mer - une préoccupation importante pour les pays du sud de la Méditerranée. Les experts estiment par ailleurs que le transport de l'électricité vers les pays du Nord, malgré d'inévitables pertes en ligne, resterait avantageux, dans la mesure où l'irradiation est deux fois supérieure dans le désert à ce que l'on observe en Europe.
Le point-clé du projet, bien évidemment, reste sa rentabilité économique. D'après ses défenseurs, celle-ci serait au rendez-vous. Aujourd'hui, une centrale solaire thermique produit l'électricité à un coût situé entre.0,14 et.0,18 euro par kilowattheure (kWh). Si une capacité de 5.000 mégawatts (MW) était installée dans le monde, le prix pourrait se situer entre.0,08 et.0,12 euro par kWh, et pour 100 GW, entre.0,04 et.0,06 euro par kWh, précise Franz Trieb.
L'idée de TREC tient la route, renchérit Alain Ferrière, spécialiste de l'énergie solaire au CNRS. Elle table sur le fait que l'on a besoin de développer la technologie pour en faire baisser le coût. Pour l'instant, en effet, les centrales solaires se comptent sur les doigts de la main, en Espagne, aux Etats-Unis, ou en Allemagne. De plus, elles s'installent souvent sur des zones agricoles ou végétales, ce qui, d'un point de vue environnemental, n'est guère satisfaisant. La centrale de 40 MW de Brandis, en Allemagne, couvrira ainsi de panneaux solaires 110 hectares de bonne terre. Dans le désert, ce gaspillage d'espace est moins préoccupant. D'où l'intérêt croissant porté au concept de TREC par plusieurs compagnies d'électricité en Egypte et au Maroc. Et, plus encore, en Algérie.
Détenteur d'un des potentiels solaires les plus importants de tout le bassin méditerranéen, ce pays a annoncé, en juin, un plan de développement assorti d'un calendrier, qui devrait être mis en oeuvre par la compagnie NEAL (New Energy Algeria). Le 3 novembre, l'acte fondateur du projet a été effectué par le ministre de l'énergie Chakib Khalil, qui a posé la première pierre d'une installation hybride, comprenant une centrale à gaz de 150 MW et une centrale solaire de 30 MW, dans la zone gazière de Hassi R'mel (Sahara). Son ouverture est prévue pour 2010. Une première étape vers ce qui pourrait, une fois réduits les coûts de production, devenir è terme une installation majoritairement solaire.
Le 13 novembre, une autre étape a été franchie: le PDG de NEAL, Toufik Hasni, a annoncé le lancement du projet d'une connexion électrique de 3.000 km entre Adrar, en Algérie, et Aix-la-Chapelle, en Allemagne. C'est le début du réseau entre l'Europe et le Maghreb. Il transportera de l'électricité qui, à terme, sera solaire à 80%, affirme M. Hasni, interrogé par Le Monde. L'Europe s'étant fixé un objectif de 20% d'électricité d'origine renouvelable d'ici à 2020, cette perspective pourrait intervenir à point nommé. Les financements de la connexion Adrar - Aix-la-Chapelle restent cependant à boucler. Comme restent à aborder les conséquences négatives que pourrait avoir sur le paysage la création d'un réseau à haute tension entre le Maghreb et l'Europe.
Côté positif, le recours au soleil pourrait en retour contribuer à résoudre certains problèmes lancinants des pays arabes. Un volet du projet TREC envisage ainsi une centrale solaire dans le désert du Sinai pour alimenter la bande de Gaza, qui manque cruellement d'électricité. Un autre imagine d'installer au Yémen une centrale permettant de dessaler l'eau de mer : une urgence pour la capitale, Sanaa, qui sera confrontée à l'épuisement de ses réserves d'eau souterraine d'ici quinze ans.
Plus globalement, le développement de l'énergie solaire, soulignent ses promoteurs, pourrait servir la cause de la paix en devenant un substitut crédible à l'énergie nucléaire. Celle-ci, comme le montre le cas iranien, pouvant toujours favoriser un développement militaire.