This is one of several newspaper articles related to Prof. Laughlin's 1998 Nobel Prize in Physics.
Trois physiciens ont été récompensés pour la découverete et l'explication de l'« effet Hall quantique fractionnaire ». Deux mathématiciens sont couronnés pour avoir permis aux chimistes d'appliquer l'équation de Schrödinger au comportement des molécules. Les Américains Robert Laughlin (université Stanford), Daniel Tsui (université de Princeton) et l'Allemand Horst Störmer (université Columbia de New York) ont reçu, mardi 13 octobre, le prix Nobel de physique « pour leur découverte d'une nouvelle forme de fluide quantique » dans lequel les électrons forment un nouveau type de particules. Le même jour, l'Américain Walter Kohn et le Britannique John Pople se sont vu attributer le prix Nobel de chimie pour des travaux commencés dans les années 60 et qui ont permis d'apploquer aux molécules l'équation quantique énoncée par Erwin Schrödinger pour décrire le compotement des particules. Les jurés de l'Académie suédoise des sciences ont, ainsi, confirmé l'importance croissante de la mécanique quantique dans ces deux disciplines. Développée au début du siècle par quelques physiciens de génie, cette théorie permet de fournir des clés pour la compréhension de la matière à l'échelle de l'infiniment petit, là où les lois de la physique traditionnelle ne s'appliquent plus.
« Un très beau travail de physique très fondamentale, effectué par des gens très imaginatifs », estime Michel Voos, directeur du laboratoire de physique de la matière condensée à l'Ecole normale supérieure. En attribuant, mardi 13 octobre, le Nobel de physique aux découvreurs de l'« effet Hall quantique fractionnaire », les jurés de l'Académie suédoise des sciences ont courronné un cas d'école scientifique. Derniére étape d'une série de découvertes qui débuta au XIXe siècle, ces travaux portent sur un phénomène largement appliqué en métrologie ou en microélectronique. Pourtant, leurs résultas ouvrent des horizons nouveaux à la physique des particules. Difficile de faire mieux!
L'histoire commence en 1879, quand l'Américain Edwin Hall remarque qu'un champ magnétique appliqué perpendiculairment à la direction d'un courant électrique provoque l'apparition d'un champ électrique qui leur est perpendiculaire à tous deux. C'est l'« effet Hall », connu des électroniciens qui s'en servent pour mesurer la densité d'électrons dans les matériaux conducteurs et semi-conducteurs.
Un siècle plus tard - le 5 févier 1980 très exactement -, l'Allemand Klaus von Klitzing découvre par hasard une nouvelle version de ce phénomegrave;ne : l'« effet Hall quantique ». Dans le but d'améliorer les performances des semi-conducteurs, il'avait imaginé un dispositif expérimental un peu similaire à celui de Hall. Mais, alors que ce dernier travaillait à température ambiante avec un champ magnétique modéré, Klitzing met en oeuvre des intensités 400 000 fois supérieures au champ magnétique terrestre, à 272 °C au-dessous de zéro.
Il découvre que, dans ces conditions extrêmes, la résistance du semi-conducteur monte par paliers successifs quand le champ magnétique augmente. Le mérite de Klitzing - qui reçut pour cela le Nobel de physique 1985 - fut de comprendre immédiatement l'importance du phénomène. Il remarqua notamment que ces valeurs successives de la réesistance, tltalement indépendantes du matériau, sont des multiples de deux constantes fondamentales de l'Univers: e, la charge électrique de l'électron, et h, la constante de Planck *qui mesure l'energie des photons). L'effet Hall quantique sert aujourd'hui à définir « le Klitzing », étalon de résistance électrique.
C'est un nouveau chapitre de cette saga scientifique qui est couronné aujourd'hui. Soucieux d'approfondir les travaux de leur collègue allemand, Horst Störmer et Daniel Tsui ont, en 1982, utilisé des matériaux semi-conducteurs plus purs et sont allés encore plus loin dans les basses températures et les intensités megnétiques. Ils ont obtenu des effets similaires en apparence, mais avec des « plateaux de résistance » prenant des valeurs telles qu'elles mettent en jeu des fractions de e, la charge de l'électron. Ces résultats ont stupéfié les chercheurs car ils contredisent une théorie bien établie : l'électricité étant véhiculée par les électrons libres, les charges électriquesne peuvent représenter, en principe, que des multiples entiers de e.
Un an plus tard, Robert Laughlin proposa une explication. Selon lui, les électrons soumis à ces conditions extrêmes forment une nouvelle sorte de « fluide quantique » an sein duquel ils s'associent pour former des « quasiparticules » où la combinaison d'électrons et de « trous » permet l'apparition de charges fractionnaires de e. « Il fallait beaucoup d'intuition et aussi une bonne dose d'audace pour proposer une telle théorie », estime Christian Glatti, chercheur au service de physique de l'état condensé du CEA À Saclay (Essonne). En effet, les physiciens divisent les particules en deux familles : les bosons et les fermions. Et si les premiers s'associent colontiers, les seconds - ont toujours évité de s'unir.
« Les quasi particules de Robert Laughlin, intermédiaires entre le boson et le fermion, impliquent donc l'existance d'un nouvel état de la matiére et... beaucoup de nouvelles idées à mettre en oeuvre », s'enthousiasme le chercheur français. Le plus exitant de l'historie, c'est que des expriences récentes menées en Israël et, en France, par l'équipe de Christian Glatti, ont permis de prouver concrétement l'existance de ces curieux hybrides de l'infiniment petit...
Jean-Paul Dufour